C'est la nuance que doit trancher mercredi le tribunal correctionnel de Paris. La justice est saisie par des associations catholiques contestant l'installation d'un sex shop près d'une école.
Rien de cochon dans la devanture, pas même des canards. La boutique "1969 - Curiosités désirables" est une enseigne discrète située à deux pas du Centre Pompidou. Les magasins voisins vendent des vêtements ; elle, des objets de plaisir dans un décor raffiné : huiles de massage, lingerie haut de gamme, menottes en plumes, coins-coins coquins... Bref, résume le site, "des accessoires pour pimenter votre vie sexuelle, nourrir vos fantasmes et découvrir de nouvelles sensations dans un esprit convivial, sexy et terriblement gourmand". Si l'échoppe offre manifestement tout pour émoustiller les "amoureux et les curieux avides de sensations coquines", elle hérisse le poil de deux associations catholiques. La Confédération nationale des associations familiales catholiques (CNAFC) et l'association CLER Amour et Famille l'assignent en justice ce mercredi.
La raison de leur courroux : la boutique polissonne est située à proximité d'une école et d'un collège et n' oublions pas " en face d une église." Le hic : la loi sur la protection de l'enfance de 1987, réformée en 2007, interdit "l'installation à moins de 200 mètres d'un établissement d'enseignement, d'un établissement dont l'activité est la vente ou la mise à disposition du public d'objets à caractère pornographique". La boutique "1969 - Curiosités désirables" est située à 90 mètres de l'école Saint-Merri. Pour les deux associations, en vendant des "des vibromasseurs, des boules de geisha, des chaînes anales, des 'cockrings'" (anneaux de pénis, NDLR.), comme elles le détaille, le magasin enfreint la loi. L'infraction est passible de deux ans de prison et 30.000 euros d'amende.
La commerçante en veut pour preuve la vitrine du magasin - interdit aux mineurs, simplement composée d'un fauteuil noir enrubanné et de cœurs en papier. «Contrairement à ce que les associations racontent, nous n'avons jamais exposé de sex-toys en vitrine. Et nous n'avons jamais eu, depuis notre installation ici en 2008, de plainte de voisinage», assure-t-elle. Avant de laisser entendre que les associations chercheraient surtout à récupérer de l'argent dans cette affaire. «Ils demandent 40.000 euros de dommages et intérêts, c'est beaucoup, non?»
Pour l'avocat du gérant de la boutique,
l'endroit ne vend rien de pornographique. "Ce n'est pas un sexshop, c'est un love-shop, nuance Me Richard Malka à TF1 News. Il n'y a rien de sulfureux, ni cabine vidéo, ni publication pornographique... C'est coquin, ludique, plutôt glamour et 70% de la clientèle est féminine." L'avocat dénonce "un procès d'un autre temps", une "nouvelle immixtion du religieux dans la société civile ". Selon lui, "lessex toys sont aujourd'hui complètement acceptés dans la société". "Il n'y a pas un magasin féminin qui n'en parle pas, ils sont vendus à la Redoute, aux trois suisses, chez Sonia Rykiel, des dizaines de films s'en amusent, Sex in the city, par exemple, détaille-t-il avant de soupirer avec une once d'humour. Y a pas de quoi casser trois pattes à un canard". Me Malka parle encore d'"une hypocrisie absolue à poursuivre cette boutique discrète à la vitrine quasi opaque." "On est à des années lumières des représentations sexuelles qui figurent sur les kiosques à journaux, dans chaque rue de Paris !", tonne-t-il.
Il estime enfin que la loi pour laquelle est jugé son client est anticonstitutionnelle car contraire à la liberté de commerce. "Il n'y a pas un périmètre de 200 mètres à Paris, où il n'y a pas un établissement d'enseignement, affirme-t-il. Si la loi était interprétée comme le réclament les parties civiles, il ne pourrait plus y avoir de vente de sex toys à Paris, on devrait fermer tous les établissements qui en vendent, et notamment les Galeries Lafayette ou encore les dépôts de la Redoute! Et Paris deviendrait la seule capitale du monde occidentale où leur vente serait interdite, c'est hallucinant !" Il a déposé une Question prioritaire de constitutionnalité (QPC) à ce sujet.
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