Deux études anglo-saxonnes mettent le doigt sur les vocalises féminines pendant l'acte sexuel. C'est bien connu, les femmes simulent, elles seraient même 60% à l’admettre… Mais pourquoi ? Fantasme ou culpabilité ? Mensonge ou stratégie de plaisir ? Réponses avec le sexologue Gilbert Bou Jaoudé.
Et vous, vous êtes plutôt cris ou chuchotements ? Côté sexe, il y a deux écoles. Il y a les silencieuses, les discrètes, concentrées sur leur affaire ou inquiètes à l’idée d’être entendues par les enfants qui dorment à l’étage… Et il y a celles qui font du bruit, qui gémissent, halètent, miaulent, soupirent, pleurent, crient, hurlent, etc. Loin de refléter la véritable intensité des sensations éprouvées, ces vocalises copulatoires ne signifient pas non plus que toutes les femmes actives sexuellement sont des menteuses. La réalité est, heureusement, un peu plus complexe.
Quand le corps se met à parler
D’abord, il y a celles qui ne le font pas exprès. Il existe une multitude de petits bruits involontaires susceptibles de perturber (ou de dédramatiser) l’acte sexuel, ils sont bien connus... L’orgasme, cette déflagration sensorielle, peut aussi provoquer des réactions variées, comme l’explique le sexologue Gilbert Bou Jaoudé : « il y a des éléments physiologiques incontrôlables souvent liés aux contractions musculaires pendant l’orgasme » : contraction des mains et des pieds, besoin de serrer le partenaire, voire de le griffer, et cris spontanés. A l’inverse, d’autres, au souffle bruyant pendant l’acte, auront la respiration bloquée lors de l’orgasme, et resteront totalement silencieuses. « C’est un peu comme dans les manèges ou lors d’un saut à l’élastique », remarque le sexologue, « certains hurlent tandis que d’autres n’émettent aucun bruit. »
Crier pour le rassurer
Néanmoins lorsque les cris s'apparentent plutôt à des gémissements langoureux ou à des hurlements violents, il y a souvent un peu de comédie dans l’air. Deux chercheurs de l’Université Preston, en Angleterre, ont même découvert que les sons émis par les femmes lors d’un rapport sexuel n’avaient souvent rien à voir avec leur plaisir, puisqu’ils étaient émis avant et pendant l’éjaculation de leur partenaire, et pas nécessairement pendant leur propre orgasme. L’étude conclut ainsi : « Ces données indiquent qu’il y a certains bruits qui sont émis consciemment, permettant aux femmes de manipuler le comportement de leur partenaire et de le tourner à leur avantage ».
Une stratégie fréquente selon Gilbert Bou Jaoudé, qui l’attribue principalement à l’attitude des hommes, « à leur vision de la sexualité en tant que performance à accomplir. Pour eux, un rapport qui se termine sans éjaculation n’est pas complet, ils ont du mal à comprendre la différence du mécanisme féminin.» Du coup, elles sont nombreuses à suivre et donner de la voix pour mieux conforter leur homme et ne pas assombrir l’instant de plaisir.
Et pour se rassurer…
Selon Erin Cooper, un chercheur de la Temple University (Philadelphie), environ 60% des femmes auraient déjà feint l’orgasme durant un rapport sexuel ou une relation de sexe oral.
Ce scientifique a cherché à comprendre les motivations profondes de celles-ci et étudié les réponses de 366 femmes âgées de 18 à 32 ans, qui affirmaient toutes avoir pour habitude de simuler. Un grand nombre d’entre elles ont ainsi déclaré qu’elles simulaient l’orgasme parce qu’elles étaient mal à l’aise avec leur intimité, et n’avaient pas confiance en leur sexualité. « Certaines simulent l’orgasme parce qu’elles n'en ont jamais, pour se rassurer et avoir l’impression d’avoir accompli l’acte », commente Gilbert Bou Jaoudé, qui souligne que dans une relation suivie et de qualité entre deux personnes, cette attitude de mensonge et de déni ne fait pas illusion très longtemps.
Simuler pour se stimuler
Mais l’étude du Pr Cooper met en lumière d’autres « bonnes » raisons de simuler pendant l’acte sexuel. Un petit groupe de participantes avouent en effet surjouer un peu pour améliorer leur propre expérience sexuelle, « ce petit groupe de femmes qui feignent l’orgasme dans le but de ressentir davantage de plaisir, sont beaucoup plus satisfaites sexuellement », conclut le Pr Cooper. « Les cris, les gémissements et l’ensemble des sons émis pendant l’acte sont autant de signes qu’on utilise comme des sex-toys, pour faire référence à un univers érotique stéréotypé, qui excite les deux partenaires », explique G. Bou Jaoudé. Quelques sexologues conseilleraient même aux femmes de simuler pour mieux trouver leur plaisir, comme un moyen efficace de se laisser aller, et d’ancrer l’esprit dans le moment présent. Simuler pour mieux jouir ? Ca ne coûte rien d’essayer.
Une étude américaine révèle que les femmes simulent l'orgasme pour flatter l'ego de leur conjoint et l'empêcher d'être infidèle.
Un orgasme simulé peut-il retenir Monsieur à la maison? C'est à cette réponse épineuse que répond pour la première fois une étude sérieuse des universités américaines de Columbia et d'Oakland et intitulée «Do Women Pretend Orgasm to Retain a Mate?», autrement dit, «Les femmes simulent-elles l'orgasme pour retenir leur conjoint?». Cette enquête, publiée dans les Archives of sexual behavior, a été réalisée auprès de 453 femmes hétérosexuelles, dont l'âge moyen était de 22 ans et vivant en couple depuis plus de 33 mois. Elle révèle tout d'abord que les femmes sont plus simulatrices que les hommes. 50 à 60 % ont ainsi avoué avoir déjà fait semblant lors d'un rapport sexuel alors que 18 % des hommes seulement disent avoir feint un orgasme. Mais la véritable information qu'apporte cette étude est la raison de la simulation. Si les femmes simulent l'orgasme, c'est en effet pour retenir leur compagnon et l'empêcher d'être infidèle. C'est en tout cas ce qu'ont répondu 60 % des femmes interrogés par les scientifiques américains. Plus les femmes perçoivent un risque d'infidélité de la part de leur compagnon, plus elles auraient tendance à simuler l'orgasme, concluent-ils. Les femmes répondent ainsi vouloir «flatter l'ego de leur partenaire, augmenter son émotion sexuelle et éviter qu'il soit infidèle». Toute la stratégie féminine est alors de «conserver l'intérêt et l'excitation dans le couple». 51 % d'entre elles avouent «culpabiliser» Pour Mireille Dubois Chevalier, médecin et sexologue, ce type de schéma serait plus fréquent chez les femmes jeunes. «Plus une femme est jeune et plus elle a une sexualité basée sur le fait que c'est l'homme qui sait faire, que c'est son schéma qui prévaut, explique-t-elle. Ce qui prime alors n'est alors pas de s'éclater au lit mais d'entretenir le lien affectif et quand ça ne fonctionne pas au lit, c'est à cause de la femme». Chez ces jeunes femmes, la simulation peut être un moyen de maintenir le lien affectif. Si l'on en croit les conclusions de l'étude américaine, les femmes ne simulent pas de gaîté de cœur. 51 % d'entre elles avouent ainsi «culpabiliser» mais expliquent mentir «pour la satisfaction de leur partenaire». Le docteur Mireille Dubois Chevalier relativise la portée de cette étude réalisée aux États-Unis. «Les choses se passent peut-être ainsi outre-Atlantique, explique-t-elle. En clinique, j'ai eu beaucoup de cas de patientes qui simulaient dans les années 1980 mais elles sont aujourd'hui de plus en plus rares». A croire que le plaisir sexuel féminin s'est peu à peu imposé comme une vertu cardinale de la vie de couple.